Les urgences auxquelles, la contemporanéité est confrontée, sont multiples et complexes. Parmi elles, figurent celles climatiques. Les actions anthropiques participent à une destruction progressive de notre environnement. Les décisions politiques entreprises depuis plus de deux décennies ne roulent pas au même rythme que les changements climatiques. Ces derniers sont de plus en plus manifestes. De manière sous-jacente, ils préfigurent de nouvelles formes de violences. Le développement de modèle communautaire intégrant particulièrement les jeunes est une forme de résilience climatique. Cheikh Saadbou Chiby Fall, assistant de recherche a représenté CERADD qui a été partenaire dans l’organisation du camp. Il nous raconte son expérience de la première édition du Climat Camp de Bamboung
Le Delta du Saloum est une des zones les plus touchées par les méfaits des changements climatiques avec une érosion côtière considérable, des inondations, une hausse continue des températures, une perte de la biodiversité tant sur le plan côtier que marin. D’aucuns disent que pour gagner la bataille du climat, il ne faut pas seulement qu’une mobilisation d’écologistes mais un mouvement citoyen populaire large. Le Camp Climat Bamboung 2017 est un modèle de construction du mouvement pour la justice climatique. Durant dix jours, deux cents militant(e)s de diverses nationalités (Sénégal, Mauritanie, Bénin, Togo, Comores, Algérie, France, Canada), ont mis en pratique des alternatives qui les ont permises de découvrir des solutions d’adaptation aux changements climatiques mises en œuvre par les communautés du littoral sénégalais. L’objectif principal de ce camp a été le renforcement de capacités des jeunes campeurs et la consolidation des groupes de travail de nos mouvements, c’est-à-dire se former d’abord, échanger ensuite et enfin partager des alternatives efficaces et durables. De ce fait, diverses formations approfondies et des ateliers pratiques ont permis aux participants et participantes d’amender leurs compétences, leurs liens et leurs luttes au sein de divers mouvements. D’où le slogan « se former pour agir ».
Le choix de l’Aire Marine Protégée (AMP) de Bamboung, large d’une superficie de 7000 hectares, se justifie par le fait qu’elle soit la première aire marine protégée communautaire du Sénégal. Elle a été initiée par les communautés locales conscientes de la dégradation de leur environnement.
Bamboung est non seulement un exemple d’adaptation et de résilience aux changements climatiques mais aussi une aire qui a pour vocation de protéger la biodiversité marine et côtière à savoir les ressources halieutiques et les mangroves. En outre, elle contribue au rétablissement des écosystèmes fragilisés par les perturbations anthropiques. L’AMP communautaire de Bamboung contient également un campement écotouristique communautaire “Kër Bamboung” qui assure l’indépendance financière de l’aire protégée et contribue à la création d’emplois dans la zone. Le site abrite également un centre d’éducation à l’environnement proposant des séjours de sensibilisation aux établissements scolaires. Toutefois, les communautés de cette zone font preuve d’une capacité extraordinaire d’adaptation car elles mettent en œuvre au quotidien des alternatives efficientes qui leur permettent de faire face aux aléas des changements climatiques. Nous fîmes agréablement surpris par l’accueil chaleureux que nous a offert le Club Nature de Bassilame qui nous ont montré leur fort engagement dans la lutte contre les changements climatiques à travers leur magnifique hymne sur la nature.
Néanmoins, nous avons été chaleureusement accueillis par les autorités de l’AMP en l’occurrence le Chef du village, le Préfet et le Sous-préfet, qui ont organisé une cérémonie d’ouverture du Camp Climat de Bamboung 2017 au niveau du village de Sipo. Celles-ci n’ont pas manqué de saluer nos initiatives et notre engagement pour la justice climatique à Bamboung, ce qui constitue non seulement pour eux une véritable satisfaction mais aussi des encouragements en ce qui concerne leur travail pour la protection et la sauvegarde de l’AMPC. Par conséquent, le défi majeur était de polluer le moins possible l’AMPC pendant toute la durée du séjour ; défi qu’on a pu relever avec succès.
Pour garantir la cohésion sociale du campement, le camp a été subdivisé en trois sous-camps. Chaque sous-camp avait son propre chef de camp, un intendant qui gère tout ce qui est en rapport avec la cuisine, un responsable hygiène (responsabilité que je partageais avec une campeuse Mlle Dieynaba Diagne), un responsable des programmes qui est chargé de l’animation du sous-camp. Ce dispatching permettait non seulement de mieux faciliter l’intégration des campeurs mais aussi la communication avec la Maîtrise (le staff qui gérait le camp). En dehors des ateliers de formation, des tâches quotidiennes ont été déterminées pour chaque sous-camp telles que la plonge pour faire la vaisselle après chaque repas, l’hygiène du camp (toilettes et ordures) qu’on alternait au fil des jours. En outre pour une bonne animation du camp, on exigeait toutes les nuits à chaque sous-camp de faire une présentation en public dépendant du thème de l’activité de la soirée. Ce qui permettait de fluidifier l’intégration sociale dans chaque sous-camp et de renforcer l’esprit d’équipe de tout un chacun. Ces activités permettaient non seulement de développer notre leadership mais aussi de faire des découvertes dans des terrains inconnus tels que le théâtre, le slam, l’usage d’instruments musicaux…
Chaque matin, un rassemblement général a lieu à 07h30 précise c’est à dire juste après le petit déjeuner pour la levée des couleurs. D’ailleurs j’ai même eu l’immense privilège de faire descendre un drapeau un soir. Ainsi, les rassemblements sont l’occasion pour tous les campeurs de se réunir de partager leurs devoirs civiques mais aussi des moments de déstresse avant de commencer les ateliers de formation.
Néanmoins, la lutte contre le changement climatique doit, à bien des égards, interpeller tout le monde, sans exception aucune. En effet, Etats, ONG et société civile sont appelés à faire de la lutte contre le changement climatique une priorité. Et, le rapport du GIEC (Groupe Intergouvernemental d’experts sur le Climat) de 2013 nous informe davantage de l’urgence qu’il y a d’agir. A en croire ledit rapport, il ne nous reste que 10 ans pour contenir le changement climatique. Nous avons concernant la lutte contre le changement climatique tendance à nous focaliser que sur les générations futures. Or, la génération présente en pâti tout autant. Il apparaît ainsi essentiel de mettre les jeunes au cœur de la lutte, gage d’un bel avenir. Malgré tous les efforts consentis par l’Etat du Sénégal pour la protection de l’environnement, le phénomène de la dégradation de la nature est aujourd’hui arrivé à un point tel que, si nous ne prenions garde, nous risquons la catastrophe/
Etant tous concernés par les défis climatiques, nous, représentants des dynamiques associatives environnementales sénégalaises, et bien d’autres nationalités se sont réunies sur ce site du 15 au 24 septembre 2017 pour former une génération debout, capable de porter haut le combat de la préservation de l’environnement. En tant que porteurs de voix et d’alternatives, nous avons été formé avec comme but de conscientiser toutes les couches de la population sénégalaise, en particulier les jeunes pour porter l’étendard des défis climatiques. Chaque campeur est un porteur de voix c’est à dire donc un leader vecteur de bons comportements qu’il pourra inculquer où qu’il soit aux personnes avec qui il va interagir.
Globalement, il urge d’éduquer et de sensibiliser la population, toutes couches confondues sur les enjeux environnementaux telles que la préservation et la gestion des ressources naturelles. Ainsi seront-ils en mesure d’être des porteurs d’alternatives durables. C’est dans cet esprit que des jeunes conscients des enjeux climatiques et environnementaux se sont formés à travers les ateliers du Camp Climat pour renforcer les stratégies de lutte pour la justice climatique développées par les populations sénégalaises. Ces ateliers furent animés par d’imminents professeurs universitaires, des consultants et divers experts dans leurs domaines spécialisés. Par conséquent, un calendrier journalier a été dressé pour une meilleure organisation. Cependant, l’atelier sur les changements climatiques était obligatoire pour tout le monde. Les autres n’étaient qu’optionnels en dépit du peu de temps et du nombre de formations. Avec les modules de formation reçues telles que les changements climatiques, la Communication, l’Action non-violente, la Potabilisation de l’eau, Reboisement etc., les campeurs ont pu partager diverses compétences et les mettre en pratique. De plus, pour allier la théorie et la pratique, des ateliers spécifiques ont été mis en exergue (Compost des déchets, Potabilisation de l’eau, Fabrique de charbon de pailles) etc. En outre, l’atelier d’écriture a permis d’aboutir à la rédaction d’une déclaration qui constitue notre plaidoyer que nous avons remis aux autorités à la fin du camp. Le dernier jour fut consacré au reboisement de deux milles plants (2000) de diverses espèces par les campeurs en collaboration avec l’association Nebeday et les femmes de la forêt de Nema Bah ; ceci pour apporter notre pierre à l’édifice pour la préservation de l’AMPC de Bamboung. A l’issue de ce camp, chaque campeur pourra être capable de mener au sein de sa communauté des actions citoyennes non-violentes et sensibiliser les populations sur les enjeux climatiques afin qu’elles puissent changer leurs comportements.


Quelques conclusions
Par ailleurs les pratiques d’adaptation et d’atténuation méritent d’être soutenues. En ce sens, une décentralisation et une démocratisation de l’accès au financement climatique s’avère primordiale. Ainsi au sortir de ce camp riche en expériences, des solutions écologiques pertinentes ont été proposées telles qu’(e) :
- Impliquer la jeunesse.
- Renforcer l’éducation environnementale à travers l’initiation au reboisement et au recyclage de déchets plastiques notamment en les transformant en compost.
- Encourager l’utilisation des énergies renouvelables au détriment des énergies fossiles polluantes.
- Adopter les différentes techniques agricoles locales (agroforesterie, le zai, le cordon pierreux…).
- Inciter les populations à produire et consommer bio.
- Définir des politiques publiques environnementales en appuyant les initiatives portées par la société civile.
En somme, le camp climat 2017 à l’AMPC de Bamboung a été très riche en expériences tant sur le plan intellectuel que social. « Chaque génération a sa mission ; soit elle l’accomplit soit elle la trahit », nous apprenait Frantz Fanon. Nous, campeurs de Bamboung avons fait de la lutte contre le changement climatique notre mission. Et pour son accomplissement, une synergie de toutes les forces est impérative.










