Les 19 et 20 juin 2018, s’est tenu, à Dakar, un atelier multi acteur sur la thématique « Remporter la lutte contre la corruption : une voie durable vers la transformation de l’Afrique ». L’Union Africaine a fait de 2018, l’année de lutte contre la corruption. L’atelier est organisé par One Campaign, Forum civil et Gorée Institute.
Les discours d’ouverture ont porté sur les effets néfastes de la corruption dans le monde et particulièrement en Afrique où plus de 50 milliards de dollars sortent annuellement comme flux financier illicite. Différents acteurs étaient présents qu’ils soient étatiques (CENTIF, Agent Judiciaire de l’Etat, OFNAC, IGF, Ministère de la bonne gouvernance…), parlementaires, universitaires (UCAD, UGB), le secteur privé (UNACOIS), la presse, les mouvements sociaux et la société civile (One, Forum civil, Raddho, Institut Gorée…) et des organisations régionales (GIABA) ou internationale (PNUD).
Le représentant de One au Nigéria a montré le modèle de lutte contre la corruption utilisé dans son pays. Le gouvernement y a misé sur cinq principes en cinq années pour lutter efficacement contre la corruption. Le Nigéria s’est engagé dans un vaste projet de recouvrement des avoirs du pays au niveau international. Par conséquent, le pays a développé une stratégie allant dans ce sens mais aussi au niveau interne, des mécanismes comme l’information des populations sont mis en œuvre pour favoriser la bonne gouvernance.
Le consultant, Pr. Sémou Ndiaye, enseignant-chercheur à la FSJP de l’UCAD a ensuite posé le cadre institutionnel et juridique de la lutte contre la corruption au Sénégal. Il s’inscrit dans une logique de transfert lié aux conventions internationales et communautaires. Au niveau Interne, il existe plusieurs instruments de lutte contre la corruption. Cet arsenal juridique offre des moyens pour lutter contre la corruption certes. Mais au constat de certains aspects, il est recommandé de l’améliorer.
Ensuite, OFNAC a présenté le contexte de la corruption au Sénégal, les mécanismes et les instruments à leur disposition pour lutter efficacement contre la corruption. OFNAC s’est engagé à rendre disponible le rapport 2016-2017 sur la corruption. OFNAC travaille sur la Stratégie Nationale de Lutte contre la Corruption.
Dans la journée du 20 juin, deux panels se sont tenus:. Le premier a porté sur « Gouvernance et corruption au Sénégal (état des lieux, défis et perspectives). Trois présentations ont été faites. Il s’agit d’abord de celle de Mamadou Seck de l’institut Gorée sur la problématique des élections. Le modèle utilisé par l’institut se focalise sur le système national d’intégrité. Il permet de dépasser le simple cadre financier pour appréhender la corruption.
La mise en place d’un système d’intégrité électorale (indépendance, transparence, responsabilité, neutralité, crédibilité, impartialité et objectivité) à observer par un système de monitoring à toutes les étapes est un moyen efficace pour lutter contre la corruption. L’intérêt de réfléchir sur le rapport entre les élections et la corruption réside sur le fait que c’est par ce mécanisme que les représentants sont choisis à tous les niveaux. Selon Mme Soukeyna Diallo de l’AJS , modératrice du Panel : « Le cycle électoral est le nœud gordien de la corruption »
La deuxième présentation a porté sur les défis des Etats et des organisations dans la lutte contre la corruption. Elle est faite par le Forum civil. DaoudaDiop a souligné l’absence de dispositif de recouvrement des avoirs à l’étranger comme un frein à une culture anticorruption. L’autre défi est une volonté politique réelle.
Le dernière présentation, portant sur Droits humains et corruption montre que la corruption crée une rupture d’égalité entre les citoyens et remet en cause les libertés individuelles.
En marge de ce panel, Ousmane Niang, représentant CERADD a présenté l’outil d’analyse en ligne d’Afrobarometre (www.afrobarometer.org/fr). A cette occasion, le paradigme de recherche dans lequel s’inscrit CERADD est aussi présenté à l’assistance notamment avec la problématique de la résilience qui peut être inscrit à la bonne gouvernance. Car il est important de comprendre aussi les facteurs qui permettent aux fonctionnaires ou aux acteurs politiques de ne pas tomber dans la corruption.
Pour le second panel, deux présentations se sont tenues. La première porte sur la gouvernance et corruption dans la gestion des ressources naturelles et environnementales. Elle est effectuée par Pr. Sémou Ndiaye. Il est revenu sur le cadre juridique et institutionnel. Les interventions ont permis de souligner des points très intéressants concernant les pertes financières liées, au delà de l’opacité sur les contrats et l’exclusion sociale des populations, à la responsabilité sociétale d’entreprise. A cet effet, il est recommandé, à l’image du Canada, de développer un guide et des outils pour la responsabilité sociétale d’entreprise.
La seconde présentation a eu pour thème « Genre et corruption ». Dr. Roughiyatou Kane Thiam, enseignant-chercheure à la FSJP et membre de l’AJS a posé un contexte marqué par des permanences et des ruptures. Ce qui continue de confondre les femmes dans leurs rôles sociaux de genre partagés entre la production, la reproduction et le communautaire. Les recherches évoquées par Dr. Kane montre la capacité de résilience des femmes face à la corruption. Selon, certains participants, l’exclusion sociale des femmes des sphères de décision, réduit aussi les risques pour les femmes d’être en position de corruption. Par conséquent, il est recommandé de procéder à une recherche sur la corrélation entre le genre et la corruption. Dr. Thiam souligne effectivement que le modèle de vertu préconisé dans la société sénégalaise met les femmes dans un environnement où elles joue un rôle de vecteur de la corruption.
Les deux jours ont permis de poser la corruption comme une problématique complexe et systémique. Par conséquent, les participants ont souligné l’importance de la recherche par une approche transdisciplinaire afin de cerner le phénomène sous ses différentes composantes et dimensions. Il est important de continuer le diagnostic en l’adossant aux réalités locales dans un monde qui change.
Je doute que l’on puisse lutter contre la corruption si on ne parle pas aux femmes qui transmettent les valeurs et aux jeunes aussi
Soukeyna Diallo
AJS
On ne va pas se développer tant que l’on ne met pas en avant le patrimoine immatériel
Roughiyatou Kane Thiam,
FSJP/UCAD
Par conséquent, certaines recommandations ont porté sur la sensibilisation des populations, la formation et l’éducation. Il est important dans la logique de la transformation positive de porter un grand intérêt à la jeunesse plus particulièrement les leadeurs. Il faut prendre en compte l’espace universitaire où les structures représentatives des étudiants sont des vases communiquant avec le leadeurship politique et communautaire. De même, il est important de préparer au sein des Grandes Ecoles de formation de l’élite du pays (ENA, CFJ, Ecole de police, de gendarmerie…) à la bonne gouvernance et le patriotisme.
Généralement, les participants ont reconnu la nécessité de rendre le cadre institutionnel plus adapté au contexte national. Il s’agit principalement de rendre plus diffus le pouvoir discrétionnaire du Procureur de la République en matière de faits ou d’actes de corruption.
Il y a encore beaucoup d’efforts à faire dans la lutte contre la corruption au Sénégal
Mamadou Lamine Diallo
Député
Les deux jours ont permis de rédiger un document de plaidoyer destiné aux plus hautes autorités du pays. Doudou Dia, directeur exécutif de Gorée Institute a remercié l’ensemble des participants.